L’Eau Touche la Terre 2016

90 buckets of earth

J’avais rempli 85 seaux de terre, il m’en restait cinq à faire, j’ai regardé ce que j’avais ramassé : pas un seau ne contenait cette terre de la couleur qui, m’avait-on appris quand j’étais petite, était celle de la terre représentée par le crayon brun moyen de la boîte de crayons de couleur. J’en ai trouvé dans les bois près d’ici cet après midi, en fait deux brun moyen légèrement différents dans la même zone, l’un, travaillé par les vers, plus pâle que l’autre. Ma tâche était accomplie.

Ce sentier est fait de terres recueillies principalement en Saône et Loire, toutes dans un rayon de 50 km autour de Changey où je vis et travaille depuis 23 ans. Elles sont utilisées « telles quelles » et je n’ai pas modifié leur couleur. J’ai déjà utilisé certaines d’entre elles dans des projets précédents et elles ont été recyclées, comme par exemple le brun pâle de Nolay avec lequel j’ai construit « Watching Mud Dry » en 2005. On m’a montré le terrain communal d’où était extrait le sable rouge utilisé dans la construction de nombreuses maisons d’Ozenay. Je m’en suis servie pour mon installation de « Vivre Le Lieu » en 2015 et je suis récemment retournée en chercher. Toutes les terres rouges, orange et jaunes contiennent des ocres, différentes formes d’oxyde de fer. Autrefois la Bourgogne était l’un des principaux sites d’extraction de l’ocre en France, ocre qui était entre autres utilisé dans les églises romanes pour peindre les fresques dont on peut voir les vestiges sur les murs au-dessus de nos têtes ainsi que dans la chapelle sud de cette église.

Cette installation exploite l’architecture de l’église et changera avec le temps. Là où elle est protégée par le toit, la terre reste sèche et les compositions gardent leur forme, là où elle n’est pas protégée, les compositions sont vulnérables à l’eau et au soleil et la terre s’étalera et se fendillera. Lentement, le contraste entre les parties protégées et les parties non protégées deviendra plus évident. Sans un toit qui nous protège de la pluie, nous nous retrouvons soudain très vulnérables. Cette année nous a rappelé à quel point un excès d’eau inattendu pouvait changer radicalement notre paysage intérieur et extérieur, nos habitations et nos moyens d’existence.

J’ai désormais appris de l’artiste japonais Koicha Kurita qu’il n’y a pas deux terres de la même couleur et qu’existe effectivement le nuancier Munsell des sols mis au point dans les années 30 pour fournir un système de codage de couleurs pour la terre. J’ai choisi de présenter dans ce projet une diversité de couleurs collectées sur des sites locaux que j’ai découverts en observant ou en parlant avec les gens. Il y a des argiles auxquelles je n’ai pas eu accès, comme la noire de Cirey-le-Noble, où le fermier a comblé le fossé avec des gravats pour renforcer la berge de la rivière. Plus je regarde et plus je pose de questions, plus je fais de découvertes sur la richesse et la diversité de cette matière sur laquelle nous marchons, qui contient l’eau et qui nous nourrit, et à laquelle nous retournons un jour. (traduction : Madie Boucon)

90 buckets of earth

l'église de cortiambles, givry, juillet 2016
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jane norbury
photos : jane norbury, will menter

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