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Dès mon plus jeune âge, j'aimais fabriquer des objets, explorer les matériaux et parfois transformer des environnements entiers.

 

À l'âge de 8 ans, j'ai tapissé une cabane en brindilles trouvée au fond du jardin de mon école primaire avec de la mousse verte et douce, changeant ainsi l'odeur, la texture, la couleur et l'atmosphère de l'espace une fois à l'intérieur. Je m'y sentais bien.

 

Au même moment, le Pays de Galles a connu ce qu'on a appelé la catastrophe d'Aberfan, où, après des pluies torrentielles, un terril de charbon s'est effondré sur le village d'Aberfan, tuant 116 enfants et 28 adultes. Afin de collecter des fonds pour aider les familles, nous avons apporté à l'école nos capsules de bouteilles de lait usagés (à l'époque, le lait était livré à domicile, dans des bouteilles scellées par des feuilles de métal – dorés pour le lait entier et argentés pour le lait écrémé). Nous avons écrasé les capsules pour former une boule qui, chaque jour, devenait plus grosse et plus lourde. Elle était exposée dans le hall de notre école et a finalement été vendue à la ferraille.

 

La transformation de ces petits objets en une grosse boule m'a fasciné. Je ne pense pas que nous ayons récolté beaucoup d'argent, mais cet événement est resté gravé dans ma mémoire. J'avais inconsciemment pris conscience du pouvoir visuel de la transformation des objets...

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Aujourd'hui, après 40 ans de travail avec le volume, en particulier l'argile, je suis de plus en plus proche de permettre à mon corps, mon esprit et la matière de travailler ensemble, en tandem, sans qu'un domaine ne domine l'autre. Au fil des ans, j'ai tiré profit de la pratique du yoga et j'ai réalisé que la peau de mon corps est une membrane continue et qu'une manipulation d'une partie du corps affecte l'ensemble, que la peau est la membrane qui nous contient et qui est en contact avec le monde extérieur. Dans mes récentes sculptures en argile, j'explore cette relation entre mes mondes intérieur et extérieur et ma lutte pour trouver un équilibre ; je crois que c'est à travers cette recherche de réconciliation que le personnel devient politique.

 

Je manipule de grandes plaques d'argile en utilisant tout mon corps, poussant le matériau de l'intérieur vers l'extérieur, transformant les parois de mes pièces en une peau sensible et donnant aux sculptures une forme abstraite à la fois familière et étrange. Je travaille pendant que l'argile est encore humide, afin que les pièces conservent un aspect doux et fluide. Les sculptures s'enroulent et s'étendent autour d'une ouverture centrale, comme si elles inspiraient et expiraient, générant leur propre dynamique à travers ce passage vital.

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Travailler à plus grande échelle, comme dans Walking Skins 2023, amplifie les mouvements provoqués par les manipulations des feuilles d'argile malléables et permet à la vague du mouvement de se développer. En modelant à la main les formes émergentes et en suivant les impulsions initiales, je laisse les ondulations se transformer en formes plus grandes et plus inattendues. Je travaille souvent les pièces à l'envers et je ne vois pas la pièce finie avant de la retourner à la fin du processus ; de cette façon, l'argile m'offre des surprises que je n'aurais pas pu imaginer ou créer consciemment. Je les pose sur le sol, où elles touchent légèrement, comme si elles étaient prêtes à s'en aller. Il faut les sécher pour enlever l'eau et les passer au feu pour les fossiliser dans leur mouvement fluide.

 

Dans ces sculptures biomorphiques et sentient, je cherche à atteindre quelque chose d'assez archaïque, peut-être innommable, une expression de fluidité, un rappel que nous avons autrefois émergé de la mer et que nous sommes encore principalement liquides, en mouvement constant. Mes installations et mes performances sont également guidées par cette notion ; nous la retrouvons dans les vagues de la mer, mais aussi, à une échelle beaucoup plus longue et infinitésimale, dans la création de la terre elle-même, broyée à partir de roches et transportée par l'eau pour être déposée. C'est ainsi qu'est né Flux d'Argiles, une installation solo présentée à la Grange Dimière en 2021, où j'ai mis en contraste le mouvement de l'argile liquide s'écoulant verticalement sous l'effet de la gravité, capturé sur six grands tissus suspendus, avec 27 sculptures cuites plus sédentaires, posées horizontalement sur le sol.

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J'utilise souvent de la terre extraite localement et je crée des installations spécifiques à la nature, à l'archéologie, à l'architecture ou à l'histoire d'un lieu, comme Timelines au musée archéologique de Bibracte, FR 2017, qui utilisait de l'argile brute des Landes dont la plasticité était adaptée aux sculptures Queule, inspirées par les extraordinaires hêtres du site, ou pour Watching Mud Dry, à l'usine de robinets Usine Danfoss Socla, 71, FR, 2015, où j'ai trouvé de l'argile sur un chantier local qui se trouvait être adjacent à une tuilerie désaffectée.

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J'ai partagé ma passion avec beaucoup d'autres personnes, dans le cadre d'innombrables ateliers, conférences, symposiums, etc. Il est rare que quelqu'un n'aime pas serrer une poignée d'argile ou plonger sa main dans un seau de barbotine.

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Le travail de Jane est très viscéral. Être en présence physique de ses œuvres, c'est en appréhender l'échelle et en ressentir le poids par rapport à soi-même. Nous suivons ses formes et ses surfaces sous tous les angles, nous sentons leur volume et devinons leur intérieur, menant notre propre exploration sans intermédiaire, qui fait remonter à la surface de la conscience des souvenirs sombres (de loin), comme l'eau d'un puits. Ils semblent conserver une admiration pour ce que l'argile peut être, mais avec une autorité qui vient de nombreuses années de pratique et d'une curiosité intacte.

Sebastian Blackie, écrivain, artiste et professeur émérite de l'université de Derby, Royaume-Uni

Jane Norbury

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